Le Paraguay est surtout connu pour les Missions que les Jésuites réussirent à implanter durablement entre 1609 et 1767 parmi les Indiens Guarani. Pourtant, cette terre paradoxale au cœur de l’Amérique du Sud, où un évêque peut devenir président comme en avril 2008, a une longue histoire marquée par des bouleversements sans précédents. Pendant la guerre qui opposa le pays à la triple Alliance de l’Argentine, du Brésil et de l’Uruguay, entre 1864 et 1870, plus de soixante pour cent de sa population a péri, surtout ses hommes. La mémoire de cette année zéro hante encore aujourd’hui ses habitants qui, locuteurs du guarani, ne sont cependant pas Indiens. Partant d’une ethnographie des hameaux d’une ancienne réduction jésuite, l’ouvrage donne d’abord à comprendre le rapport que les habitants entretiennent à leur langue guarani mêlée d’espagnol, à leurs terres, à leurs ancêtres et à la guerre. Puis grâce à une plongée dans les archives jusqu’en 1767, le livre reconstitue le passé qui fut balayé par la grande rupture de 1870. Se saisissant des notions de métissage, de mémoire, de tactique et d’interstices, cet essai rencontre les travaux de langue anglaise développés sous l’appellation d’études subalternes.